Le Japon essaie toujours d’en finir avec les disquettes en 2022

Le Japon veut tuer la disquette une bonne fois pour toutes. C’est en tout cas le vœu du ministre du Numérique. Mais, en la matière, le pays fait de la résistance.

Nous sommes en 2022 après Jésus-Christ. Toute la planète se sert de supports de stockage modernes pour conserver ses données… Toute ? Non ! Un pays peuplé d’irréductibles fonctionnaires résiste encore et toujours aux solutions les plus modernes, en continuant de faire appel régulièrement des disquettes. Et, ce pays, c’est le Japon.

Mais, cette situation est censée évoluer bientôt. C’est en tout cas l’engagement qu’a pris le ministre japonais en charge du Numérique, Taro Kono. Lors de la cinquième conférence sur le concept de société numérique au Japon, l’intéressé a promis de débarrasser l’administration d’un certain nombre de technologies et d’appareils obsolètes. Et, la disquette en fait partie.

Le Japon déclare la guerre aux disquettes

C’est mĂŞme une bataille contre ces reliques du passĂ© que le gouvernement entend mener. Sur Twitter, Taro Kono a ainsi annoncĂ© le 31 aoĂ»t 2022 que son ministère « a dĂ©clarĂ© la guerre aux disquettes Â». Pour y parvenir, explique-t-il, il va falloir changer toutes les procĂ©dures qui obligent l’État, mais Ă©galement les entreprises, Ă  s’en servir. Près de 1 900 règles de ce type existent.

Cet assaut contre les disquettes a reçu le plein support du Premier ministre Fumio Kishida, qui est en poste depuis octobre 2021. En confĂ©rence de presse, les deux responsables politiques ont promis de « revoir ces pratiques rapidement Â», en faisant remarquer que c’est de toute façon le sens de l’histoire : « OĂą peut-on acheter une disquette de nos jours ? Â»

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Un lecteur de disquettes. // PaweĹ‚ ZadroĹĽniak

La persistance de la disquette au Japon apparait paradoxale pour un pays perçu comme aux avant-postes du progrès technique. Le contraste est saisissant pour un pays dont on loue l’avance sur tel ou tel sujet, par exemple, la robotique, mais qui est encore à se servir des disquettes de façon significative, mais également d’autres produits datés.

Dans son message sur Twitter, Taro Kono en a listĂ© d’autres, d’ailleurs, comme les CD-ROM et les MiniDiscs, qui sont toujours requis pour soumettre des demandes et des formulaires. Autre cible annoncĂ©e du gouvernement nippon : le tĂ©lĂ©copieur. LĂ  encore, il s’avère que le fax fait aussi de la rĂ©sistance, en raison d’un soutien important dans le pays.

D’ailleurs, Taro Kono a dĂ©clarĂ© avoir aussi l’intention d’en finir avec le fax : « Je cherche Ă  me dĂ©barrasser du tĂ©lĂ©copieur, et j’ai toujours l’intention de le faire Â». Mais, il doit composer avec une certaine hostilitĂ© au sein d’une partie de la population, que ce soit dans les entreprises, la bureaucratie ou mĂŞme les particuliers. Un plan visant Ă  tourner la page a ainsi dĂ» ĂŞtre abandonnĂ©.

Les ambitions du gouvernement japonais contre les disquettes et un certain nombre d’autres supports n’ont pas la garantie d’être couronnĂ©es de succès. En 2021, l’ancien Premier ministre Yoshihide Suga avait promis lui aussi de rĂ©duire la dĂ©pendance du pays Ă  l’égard de certains usages vieillots, mais la brièvetĂ© de son mandat ne lui a permis de mettre en Ĺ“uvre son programme.

Ă€ un Ă©chelon plus local aussi, la bureaucratie essaie de basculer vers des outils plus modernes. C’est ce que montrait un reportage de Vice en novembre 2021, avec un effort Ă  peine naissant des administrations locales visant Ă  les Ă©liminer progressivement. Un tĂ©moignage d’un intervenant au mĂ©dia illustrait bien la relative passivitĂ© du pays sur ce sujet : « Nous n’avons jamais eu de problème avec ça, donc nous avons continuĂ© Ă  les utiliser. Â»

fax
Un autre combat du Japon : en finir avec les fax. // Source : mitsy mcgoo

Les jeunes ne savent pas ce que sont les disquettes

Selon nos confrères, cela fait vingt ans que l’exécutif nippon souhaite actualiser ses pratiques en matière de traitement de l’information, notamment en basculant de plus en plus vers la dématérialisation, le numérique et les outils les plus récents. Une numérisation de plusieurs procédures administratives (garde d’enfants, maisons de retraite, municipalités) est attendue pour 2026.

Selon un classement datĂ© de 2021 de l’école de commerce suisse IMD, le Japon est au 28e rang des nations en matière de compĂ©titivitĂ© numĂ©rique. La France est 24e, l’Allemagne 18e, le Canada 13e, la Suisse 6e et les États-Unis 1er. Le Japon est sur une tendance nĂ©gative, puisque ses prĂ©cĂ©dents classements Ă©taient 23e et 27e en 2019 et 2020.

Un classement de prime abord Ă©tonnant, mais qui s’éclaire au regard de la difficultĂ© du pays Ă  se mettre au niveau. On l’a vu avec Internet Explorer. Nikkei Asia signalait Ă  la mi-juin que presque la moitiĂ© (49 %) des entreprises interrogĂ©es dans le pays en mars se sert encore d’IE, alors que Microsoft n’a cessĂ© durant derniers mois de prĂ©venir de la fin du support et de sa disparition.

La disquette sous sa forme 3,5 pouces est nĂ©e au Japon, ce qui est peut-ĂŞtre un indice de sa longĂ©vitĂ© dans le pays — mĂŞme si l’on peut aussi trouver des traces rĂ©centes de son emploi ailleurs. Ce n’est qu’en 2019 que l’armĂ©e amĂ©ricaine a renoncĂ© aux disquettes pour lancer ses missiles nuclĂ©aires. Le Japon n’est ainsi pas le seul Ă  avoir du mal Ă  passer Ă  autre chose.

Cela fait pourtant plus de dix ans que Sony a cessĂ© de fabriquer les disquettes, les dernières unitĂ©s Ă©tant sorties en 2011. Les plus jeunes gĂ©nĂ©rations n’en ont jamais manipulĂ© et ne savent mĂŞme pas les reconnaĂ®tre : ce qui d’ailleurs pose la question de la reprĂ©sentation de la disquette comme symbole de sauvegarde sur le PC. Il serait temps, lĂ  aussi, de tourner la page.

Source: Le Japon essaie toujours d’en finir avec les disquettes en 2022 – Numerama

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