Teemo, la start-up qui traque 10 millions de Français en continu

L’entreprise, basĂ©e Ă  Paris, a dĂ©veloppĂ© un logiciel intĂ©grĂ© Ă  une cinquantaine d’applications mobiles, dont celles du Figaro, de L’Equipe et de Closer.

Si vous ĂŞtes allĂ© au restaurant hier soir, Teemo (anciennement Databerries) le sait probablement. La start-up parisienne ignore votre nom, peut savoir que deux jours plus tĂ´t vous aviez prĂ©fĂ©rĂ© rester chez vous. Et que vous allez souvent chez un ami qui vit Ă  Quimper. Comme le rĂ©vèle une enquĂŞte de Numerama, Teemo rĂ©cupère en fait la gĂ©olocalisation de dix millions de Français grâce Ă  leurs smartphones. Elle l’actualise mĂŞme toutes les trois minutes.

Le consentement flou des utilisateurs. 

Pour parvenir Ă  ses fins, elle n’a eu qu’Ă  dĂ©velopper un logiciel, lui-mĂŞme intĂ©grĂ© dans un logiciel publicitaire. Les deux ont ensuite Ă©tĂ© vendus Ă  une cinquantaine d’applications cĂ©lèbres, dont celles du Figaro, de L’Équipe, MĂ©tĂ©o France, TĂ©lĂ© Loisirs ou Closer. 

L’une des premières questions qui se pose, est celle du consentement des utilisateurs. Car comme Numerama l’explique, les applications demandent bien un accord pour recueillir vos donnĂ©es personnelles liĂ©es Ă  votre localisation, mais ne semblent pas vous dire clairement qu’elles les revendent Ă  un tiers. Le mĂ©dia prend l’exemple du Figaro, dont les conditions gĂ©nĂ©rales d’utilisation ne mentionnent effectivement pas cet Ă©lĂ©ment. ContactĂ©, le quotidien n’a pas donnĂ© suite Ă  nos sollicitations. Teemo, de son cĂ´tĂ©, se dĂ©fend en expliquant que les termes de l’accord doivent ĂŞtre dĂ©finis par les applications « de manière directe. » La start-up n’a pas, sur son site, de conditions gĂ©nĂ©rales d’utilisation (CGU) Ă  proprement parler. On y trouve malgrĂ© tout quelques informations, comme le fait que les donnĂ©es sont conservĂ©es jusqu’Ă  treize mois après la date de leur collecte, et anonymisĂ©es.

Cela n’en est pas moins problĂ©matique. Selon Numerama, Teemo se vanterait ainsi de pouvoir retrouver Ă  qui appartiennent des donnĂ©es grâce, par exemple, Ă  leur IDFA, c’est-Ă -dire une suite de numĂ©ros servant Ă  l’identification publicitaires des iPhone. « Mieux encore: sans l’IDFA, et seulement avec l’adresse et le lieu de travail d’une personne, retrouver n’importe quel Français prendrait 5 secondes Ă  une Ă©quipe de 20 personnes », est-il ajoutĂ© dans l’article.

Un contrĂ´le de la CNIL, mais pas de sanction pour l’instant

Des contrĂ´les semblent bien avoir Ă©tĂ© effectuĂ©s par la Commission nationale de l’informatique et des libertĂ©s (CNIL). Ils n’ont pour l’instant pas eu de suites. Pourtant la CNIL, de mĂŞme que le Conseil d’Etat, avait dĂ©jĂ  condamnĂ© une entreprise pour des faits similaires. Il s’agissait de Pages Jaunes. La firme avait rĂ©cupĂ©rĂ© les donnĂ©es d’utilisateurs grâce Ă  un partenariat avec les rĂ©seaux sociaux. Elle avait dĂ©fendu son procĂ©dĂ© en expliquant que les utilisateurs avaient bien donnĂ© leur accord aux rĂ©seaux sociaux pour partager certaines informations. Pas convaincant pour le Conseil d’Etat et la CNIL, qui avaient estimĂ© qu’un consentement donnĂ© expressĂ©ment Ă  Pages Jaunes Ă©tait nĂ©cessaire avant toute collecte d’informations personnelles.

Teemo peut Ă©galement craindre l’arrivĂ©e au printemps prochain du règlement europĂ©en sur la protection des donnĂ©es (RGPD). Il prĂ©voit que les collectes d’informations personnelles devront ĂŞtre licites, loyales et transparentes. Ce qui implique notamment d’informer correctement l’utilisateur sur ce qu’il sera fait de sa vie privĂ©e et de rĂ©aliser une collecte qui ne soit pas excessive ou disproportionnĂ©e. Pas certain que le fait de traquer 10 millions de personnes toutes les trois minutes entre dans cette dernière catĂ©gorie.

Pour rappel, il est possible de dĂ©sactiver sa gĂ©olocalisation dans les paramètres de votre smartphone. Si vous ne souhaitez pas ĂŞtre pistĂ© en permanence, n’hĂ©sitez pas Ă  le faire dès lors que ce service ne vous est pas nĂ©cessaire.

Source : lexpansion.lexpress.fr

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